Appel à contributions - n°6 Nouveaux regards sur l’héritage de Lumumba et le lumumbisme

Le sixième numéro de la Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique (RHCA), à paraître dans le courant de l'année 2023, sera consacré au thème "Nouveaux regards sur l’héritage de Lumumba et le lumumbisme" et coordonné par Elisabeth Dikizeko (IMAF) et Karine Ramondy (SIRICE). Il fait suite à un colloque sur le même thème qui s'est tenu les 2 et 3 juillet 2021 à Paris 1 - Panthéon-Sorbonne.

Le 30 juin 2022, date de célébration de l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC), est programmée par les autorités belges la restitution des « restes humains » du Premier ministre Patrice Lumumba, ainsi que l’inauguration d’un mémorial à Kinshasa pour accueillir sa sépulture (De Witte, 2011 ; Ramondy, 2020) . Cette restitution intervient après des années de demandes de la part de la famille et de mobilisations qui portent sur le devant de la scène, militante puis politique, de nouveaux débats sur l’enjeu décolonial. En Belgique, les actions des lumumbistes et du Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations (CMCLD) interrogent depuis plusieurs années le passé colonial, confrontent les impensés historiques et abordent la question plus générale des restes humains des Congolais encore présents dans les universités et musées belges. Tous ont ainsi contribué, d’une part, à l’apposition d’une plaque commémorative « Patrice Lumumba » en 2017 à Bruxelles dans le quartier d’Ixelles et, d’autre part, à la mise en place de la Commission spéciale chargée d’examiner l’État Indépendant du Congo (1908-1960), au Rwanda et au Burundi (1919-1962). Le groupe d’experts a commencé ses travaux le 4 août 2020 et a rendu son rapport le 26 octobre 2021.

Patrice Lumumba fait partie de ces figures politiques dont l’ombre tragique continue de planer sur le XXIème siècle ; son assassinat a été analysé par l’historien George Nzongola-Ntalaja (2011) comme le plus important du XXème siècle au regard de la place que représentait le Congo dans la géopolitique de la Guerre Froide. Plus de 60 ans après l’indépendance, son Premier ministre demeure une figure inspirante à l’échelle internationale dont l’héritage est parfois controversé et critiqué, y compris dans son propre pays. La place historiographique accordée à la figure politique de Patrice Lumumba - « ce héros de la nation » qui n’a pas eu le temps de devenir un « père de la nation » (Charton et Fouéré, 2013) - varie selon les groupes interrogés. Cela traduit le défi national et mémoriel autour de la construction de l’identité nationale en RDC.

La littérature sur la trajectoire intellectuelle et politique de Patrice Lumumba (Willame, 1990 ; Omasombo, Verhaegen, 1998, 2004, 2005 ; Mutombo Makambo, 2005 ; Mbungu Nkandamana, 2008) et son assassinat (Heinz, Donnay, 1976 ; De Witte, 2000 ; Yala Kisukidi 2015 ; Ramondy, 2020) est désormais assez fournie. Sa dimension internationale, bien qu’abordée par exemple dans les travaux de Pierre Petit (2016), mérite de faire l’objet de recherches plus poussées, en analysant d’autres matériaux politiques, culturels et historiographiques en circulation et les réseaux qui ont permis la pérennité de son nom et de ses idées. Les étapes majeures de la crise congolaise ont été déjà largement analysée par le biais de sources belges et américaines (Davister, 1960 ; Kalb, 1982 ; Willame, 1990 ; Monaville 2008) puis soviétiques (Namikas, 2012 ; Mazov, 2007, 2010) et enfin chinoises (Radchenko, 2009), ainsi que le rôle des services secrets dans le cadre des déstabilisations politiques locales et régionales (Bruyère-Ostells, 2014 ; Bat, 2015 ; Ramondy, 2020). La Guerre Froide, comme phénomène historique mais également comme système, tient une place importante dans les travaux sur la crise du Congo indépendant, conférant en retour une image internationale d’infortune au Congo et une place dans l’historiographie de la Global History (Williams, 2021) et des Global Sixties. Mais la survalorisation des intrigues géopolitiques de la Guerre Froide peut entraîner une simplification des relations de pouvoir et des luttes internes qui se jouaient à l’échelle locale, régionale ou continentale. De plus, les analyses trop resserrées sur la Guerre Froide peuvent parfois tirer vers une explication trop externaliste ou téléologique. Or, comme le souligne cet appel, l’histoire des relations interafricaines reste encore à écrire et la solidarité internationale à l’endroit du gouvernement Lumumba méritent que l’on s’intéresse davantage aux diverses connexions que les lumumbistes ont tracées avec d’autres espaces et continents.

Il va de soi que la panafricanisation et l’internationalisation de la figure de Lumumba commencent du vivant de ce dernier. C’est en 1954 que Lumumba commence sa carrière politique, mais l’infatigable autodidacte qu’il était, avait une vie journalistique intense dès 1948 (Mutamba Makambo, 2005). Il devient secrétaire de l’Association du Personnel Indigène de la Colonie (APIC) et président de l’Association des Évolués de Stanleyville (AES). À cette époque, ses positions sont jugées modérées et sont critiquées par ses pairs qui redoutent ses idées laïques et libérales (Lumumba, 1961 ; Omasombo, Verhaegen, 1998 ; Tödt 2021).

Lumumba gagne en maturité politique et en densité idéologique après sa participation à la conférence d’Accra. Organisée par le premier ministre ghanéen Kwame Nkrumah, afin de rassembler tous les leaders politiques de tous les pays dépendants d’Afrique, celle-ci se tient du 6 au 13 décembre 1958 (Boukari-Yabara, 2014). Lumumba s’affirme sur le plan international et se fait connaître des réseaux anticolonialistes. Il esquisse la première forme de sa pensée qu’on appellera le lumumbisme sur l’indépendance des pays africains et le droit pour les Africains à disposer des richesses de leur territoire.
Les choses s’accélèrent au Congo après les émeutes du 4 janvier 1959 ; l’indépendance progressive du Congo est envisagée une première fois par les autorités coloniales le 13 janvier 1959. Les passages de Lumumba dans plusieurs cercles intellectuels, comme à Bruxelles en août 1958 (puis entre 1959 et 1960) au local « des Amis de Présence Africaine », ses entretiens avec des membres du Parti communiste belge, des Socialistes, des Chrétiens, ses voyages en Afrique à l’université d’Ibadan au Nigéria, en mars 1959, puis à Conakry en Guinée à la conférence du 15 au 17 avril 1959, renforcent ses connexions internationales et lui permettent d’étudier l’organisation politique et administrative d’autres pays. Ces quelques connexions, bien que réalisées sur un temps court, seront décisives à la construction de son image internationale.

Après la déclaration et le discours d’indépendance du 30 juin 1960, le gouvernement de Lumumba en place doit faire face à la mutinerie de la Force publique qui entraîne l’effondrement de l’appareil administratif, l’exode massif des agents belges de l’administration coloniale puis l’intervention des troupes métropolitaines. Au cours de l’été 1960, les sécessions du Katanga et du Kasaï aggravent la situation et fragilisent davantage le gouvernement de Lumumba. Dans l’opinion, le Premier ministre Lumumba, également ministre de la Défense, est accusé d’être responsable des désordres puisqu’il avait ordonné les opérations. Cet épisode (et plus précisément celui du massacre de Bakwanga) a lourdement contribué à ternir son image.

L’assassinat de Lumumba et de ses compagnons lumumbistes le 17 janvier 1961, ainsi que la montée en puissance du pouvoir de Mobutu sont des thèmes d’étude sensibles et épineux qui ont donné lieu à de nombreux débats historiographiques (Brassine, 1991 ; De Witte, 1999, 2017 ; Omasambo, 2004 ; Braeckman, 1992, 2009 ; Langellier, 2017). Si la mort tragique des lumumbistes a eu des résonnances internationales, elle semble être presque passée inaperçue au Congo au début de l’année 1961. Seuls les sympathisants lumumbistes encore vivants ont pu rendre un hommage significatif au Premier ministre. Ce contraste reflète les sentiments extrêmes et antagonistes à l’endroit de la figure politique de Lumumba ainsi que le double projet de l’éliminer du monde des vivants et des archives de l’histoire du Congo. C’est à l’aune de ce fait que les successifs mécanismes mémoriels restent encore à analyser. Finalement annoncée par les autorités katangaises le 13 février 1961, la nouvelle des assassinats entraine immédiatement, dans plusieurs pays africains et dans le monde, des commémorations et des hommages dont l’ampleur n’a pas fini d’être cernée. La prise de pouvoir effective des Commissaires généraux ouvre une répression féroce contre les lumumbistes dont l’épisode tragique des « pendus de la Pentecôte » le 1er juin 1966 demeure aujourd’hui le plus connu médiatiquement (Langellier, 2017 ; Kalema 2019) mais sur lequel il reste tant à dire scientifiquement.

Ce numéro spécial de la Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique invite par conséquent à analyser les processus de panafricanisation et d’internationalisation de la figure de Lumumba afin de mieux comprendre le phénomène de diffusion d’une figure et de ses idées politiques, sa portée sur divers groupes sociaux et générationnels. Il s’agit, de la sorte, de mieux comprendre la variété d’interprétations qui sont en jeu autour de la figure de Lumumba, en sortant d’une logique métropole-colonie et en privilégiant des axes différents tels que Léopoldville-Accra ou Léopoldville-Leipzig . Plus généralement, nous souhaitons explorer les nouvelles connexions géographiques de la radicalité noire et de la solidarité internationaliste qui se sont ouvertes suite à l’action politique d’une figure telle que Lumumba, célébrée pour son intransigeance face aux manœuvres néocoloniales.

Notre regard se porte également sur les autres acteurs politiques de son entourage qui ont contribué à véhiculer ses idées et à populariser son nom. En effet, le charismatique leader du Mouvement National Congolais (MNC) a malgré lui éclipsé bon nombre de personnalités lumumbistes ou non, impliquées dans la vie politique de l’époque. Ces intermédiaires (Lawrance, Osborn, Roberts, 2004 ; Tödt, 2021) ont participé aux luttes politiques africaines et offrent une compréhension plurielle du champ politique. Entre expériences personnelles et aspirations collectives, ils ont contribué à l’obtention de l’indépendance en 1960 et pour certains, à l’instauration de la dictature, ce qui ne fut pas sans effet sur le processus mémoriel d’invisibilisation de Lumumba après sa mort.

Enfin nous souhaitons mettre en avant les passeurs artistiques qui assurent une forme de postérité de la figure de Lumumba et d’éducation politique pour les jeunes générations notamment congolaises qui n’ont pas connu les événements de l’indépendance. Les contributions nouvelles qui porteraient sur des supports artistiques méconnus seront les bienvenues, mais nous souhaitons favoriser l’étude des musiques et des récits sonores qui accompagnent la formation des mémoires collectives autour du leader congolais (Aterianus-Owenga, Santiago 2016 ; Jewsiewicki, 2016). Les propositions autour de l’étude du rap comme phénomène social et politique, bousculant le discours politique officiel sur Lumumba et offrant une nouvelle éducation politique aux jeunes en quête de sens et d’histoire, seront particulièrement appréciées.

Axe 1. Global Lumumba - puissance internationale de la figure de Lumumba et portée médiatique des réseaux lumumbistes et panafricains depuis les années 1960.

Cet axe a pour but de rassembler des travaux novateurs qui portent sur les mémoires internationales de Lumumba. Le leader congolais est devenu incontestablement un objet d’Histoire et de mémoire globale et internationale. L’espoir suscité par l’indépendance du Congo en juin 1960 auprès des panafricanistes et de la gauche internationaliste a créé un engouement autour du leader charismatique du MNC. En parallèle, la complexité de la crise politique, sa dimension internationale et le caractère choquant de l’assassinat du premier ministre, ont suscité un cri d’indignation dans le monde, contribuant ainsi à la panafricanisation et à l’internationalisation de la figure de Lumumba dès les années 1960 et ce jusqu’à nos jours. Ce dernier est devenu une allégorie transnationale exemplifiant l’impossible décolonisation et les manœuvres du néocolonialisme. Cet axe favorisera les travaux qui mettront l’accent sur ces luttes éloignées qui entrèrent en écho avec la situation congolaise. Cet appel vise également à recueillir des travaux dans des espaces peu étudiés jusqu’alors, comme en Asie ou en Amérique latine.

Cette internationalisation de la figure de Lumumba s’est d’ailleurs réalisée dès les quelques mois qui ont précédé sa mort, par le biais notamment de la presse et de la radio. À la faveur des travaux en essor sur les médias africains (Loum, Sarr, 2018 ; Chomentowski, Leyris, 2021), il conviendrait d’apporter désormais une étude précise du traitement médiatique de la crise congolaise et de la figure de Lumumba, dans les années 1960, par les médias de « gauche » des pays africains et aussi ceux des pays embrassant la cause internationaliste, la littérature existante s’étant, jusqu’alors, surtout concentrée sur le traitement médiatique et la diabolisation de Lumumba dans la presse occidentale (Halen, Riesz, 1997). Il serait ainsi intéressant de cerner qui sont les journalistes africains et internationalistes qui se sont saisis de cet événement et surtout de quelle manière. De même à l’échelle internationale, les acteurs et actrices engagées dans le combat idéologique de cette période appartenaient à des associations, des partis politiques et/ou à des réseaux transnationaux, ils formaient par leurs discours et leur critique de l’impérialisme une unité de sens, une épistémè. Leur travail de conscientisation était relayé et compris par les autres couches sociales de la population, appelées à s’émouvoir, au point d’aller manifester dans la rue leur solidarité avec le Congo dans de nombreux pays du monde. Qui étaient ces passeurs ? Comment les femmes, trop souvent oubliées, ont-elles participé à la diffusion transnationale de l’allégorie Lumumba et à ses idées (Mianda, 2019) ? Quel a été le rôle joué plus particulièrement par les Lumumbistes dans la diffusion des idées à l’international et quelles ont été leurs connections, à une échelle plus régionale, avec les acteurs politiques du Congo Brazzaville, de l’Angola, de l’Ouganda ou d’autres pays limitrophes ?

Axe 2. Les mémoires de Lumumba en débats : entre institutionnalisation de l’État et émergence de mémoires plurielles et antagonistes.

Cet axe interroge la difficile relation entre « histoire, mémoire et politique » en ciblant, dans un premier temps, les différentes tentatives politiques opérées sur le temps long pour célébrer ou effacer Patrice Lumumba, ses idées et certains épisodes de l’indépendance du Congo de la mémoire et de la culture politique des Congolais. De l’État mobutiste à l’État congolais sous la présidence actuelle de Félix Tshisékédi, les dynamiques mémorielles ont été nombreuses et surtout instrumentalisées pour servir les objectifs définis par les pouvoirs en place. Mais les différents chefs d’État congolais n’ont pas tous eu des rapports analogues avec les événements de l’indépendance. Cela a ouvert la porte à une diversité de positionnements politiques et à une variété de relectures de ce passé (M’Bokolo, 1983 ; Omasombo, 2004 ; Ndaywel Mubimbe-Boyi, 2009). Ce passé a tantôt été considéré comme dérangeant, tantôt comme glorieux. Dès 1960, le projet d’élimination de Lumumba puis des lumumbistes impliquait un projet de réécriture de l’histoire du Congo auquel les survivants ont tenté de résister. Le régime mobutiste a cherché à étouffer ces mémoires, créant ainsi une discordance entre le discours étatique dominant et les mémoires d’en bas, engagées dans un contre-discours. Jusqu’ici peu étudiés pour eux-mêmes, ces lumumbistes proposaient une interprétation différente des idées politiques du Premier ministre Lumumba. Ce sont ces mémoires mobiles et incarnées qu’il est désormais important d’étudier, car elles ont constitué les niches idéologiques et des îlots de résistance qui se sont dressés contre les falsifications de l’histoire et les secrets d’État. Ainsi, il faut attendre 1966 pour voir la figure de Lumumba promu par l’État congolais pour l’instrumentaliser et fabriquer à partir d’elle le sentiment national. En célébrant Lumumba, les pouvoirs de Kinshasa ont toujours imposé une nouvelle version de l’histoire en rassemblant des fragments pour ordonner un nouvel imaginaire voire rompre avec la complexité des époques et des acteurs. Celui- ci se présente, en réalité, comme une interprétation partielle et partiale de la vérité, rompant avec les codes méthodologiques de la vérité historique, plurielle et complexe (Nora, 1989 ; Lavabre, Hamouda, Ramondy, 2015).

Les quelques décisions institutionnelles – en 1966 la proclamation de Lumumba en tant que héros national, en 2002 l’érection d’une statue dans le quartier Limete à Kinshasa et en 2017 la construction du mausolée à Shilatembo – ont permis à Patrice Lumumba de s’inscrire dans la mémoire spatiale du Congo. Les récentes décisions politiques qui ont permis le rapatriement de la dépouille de Lumumba (une seule dent) de la Belgique au Congo et le projet de construction d’un mémorial à Kinshasa, en plus de produire une nouvelle histoire mémorielle, reconfigurent l’urbanité mémorielle de Kinshasa. Les liens, longtemps séparés, entre mémoire et espace trouvent ici une nouvelle occasion de se marier et d’être étudiés. La patrimonialisation des restes humains de Lumumba est mise au service d’un projet politique et matériel dont la visibilité aura un impact sur les générations à venir. À la faveur de ce contexte, d’autres acteurs s’engagent dans la dispute didactique pour produire une autre visibilité aux idées de Lumumba, face aux discours de l’État. On observe notamment ce phénomène au sein de la diaspora congolaise, qui organise ses commémorations, crée des maisons d’édition, continue de publier des ouvrages sur Lumumba et qui d’une certaine manière, concurrence le discours de l’État sur Lumumba.

Axe 3. Productions artistiques et récits sonores contemporains, vecteurs de la postérité de Lumumba et du lumumbisme.

Suite aux ouvrages dirigés par Bogumil Jewsiewicki (1999) et par Matthias de Groof (2020), il s’agit ici de continuer à étoffer les réflexions sur les productions artistiques passées ou récentes qui mobilisent la figure de Lumumba : poésie et littérature, productions théâtrales ou cinématographiques, peintures, sculptures ou graff du street art. Cependant, il semble important d’accentuer la réflexion sur un champ encore peu travaillé, celui des récits sonores contemporains (Grabli, 2019). Dans quelle mesure les musiques et les récits sonores accompagnent-ils la formation des mémoires collectives autour du leader congolais ? Quels aspects de sa mémoire interpellent-ils et cristallisent-ils toujours le regard artistique ? Ces réflexions permettront de cerner la place occupée par les musiques au sein des sociétés africaines aux régimes d’historicité pluriels, et comment elles sont susceptibles d’y faire archives3. Les sons et les performances de Teddy L. Lalcko, Mr Lumumba, Badi ou encore Pitcho Womba Konga constituent indéniablement des matériaux dont les chercheurs peuvent aujourd’hui s’emparer. De ce fait, le rap, en tant que mouvement socio-culturel, doit tenir une place privilégiée dans cette étude au regard du puissant outil d’expression qu’ils représentent pour les jeunes générations (Aterianus Owenga, Moulard, 2016). Il est une façon aussi pour elles de reprendre le contrôle sur leur avenir au prix de la reconnaissance de leurs propres responsabilités et souffrances comme le chante Baloji Tshiani dans « Tout ceci ne vous rendra pas le Congo » chanson extraite de l’album Hôtel Impala. Comment le rap, en tant qu’espace de contournement des voies politiques habituelles, constitue-t-il un mode d’expression privilégié pour les jeunes engagés ? (Niang, 2018). Quels sont les circuits commerciaux et les nouvelles scènes africaines qui permettent de donner un nouveau souffle mémoriel aux idées de Lumumba ? Au-delà de l’analyse des topoï/ lyrics, il s’agit également étudier le rap comme un phénomène social et politique qui bouscule le discours politique officiel sur Lumumba et offre une nouvelle éducation politique aux jeunes en quête de sens d’Histoire.

Calendrier

01 avril 2022 : date limite d’envoi des propositions d’articles inédits, 500 mots maximum en français ou en anglais aux adresses suivantes : Elisabeth.Dikizeko@etu.univ-paris1.fr et karine.ramondy@sciencespo.fr
15 avril 2022 : notification aux auteur.e.s des propositions retenues.
01 juillet 2022 : date limite d’envoi des articles rédigés et inédits (entre 35 000 et 55 000 signes, espaces et notes de bas de pages comprises, sans compter la bibliographie finale). Consignes auteur.e.s disponibles : https://oap.unige.ch/journals/rhca/consignes

Bibliographie indicative
Alice ATERIANUS-OWENGA et Jorge P. SANTIAGO (éds.), Au son mes mémoires : Musiques, archives et terrain, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2016.
Alice ATERIANUS-OWENGA et Sophie MOULARD. « Cherchez le politique… Polyphonies, agencéité et stratégies du rap en Afrique », Politique africaine, vol. 141, no. 1, 2016.
Jean-Pierre BAT, La fabrique des barbouzes, Paris, Nouveau Monde éditions, 2015.
Amzat BOUKARI-YABARA, Africa unite ! Une histoire du panafricanisme, Paris, La découverte, 2014.
Walter BRUYERE-OSTELLS, Dans l’ombre de Bob Denard : les mercenaires français de 1960 à 1989, Paris Nouveau monde éditions, 2014.
Colette BRAECKMAN, Lumumba, un crime d’Etat- une lecture critique de la commission parlementaire belge, Bruxelles, Aden, 2009.
Colette BRAECKMAN, Le dinosaure, le Zaïre de Mobutu, Paris, Fayard, 1992.
Jacques BRASSINE, Jacques KESTARGAT, Qui a tué Patrice Lumumba ? Editions Duculot, Paris, 1991, 285 p.
Hélène CHARTON, Marie-Aude FOUERE, (dir.), « Héros nationaux et pères de la nation en Afrique. », Vingtième siècle, n° 118, avril-juin 2013.
Gabrielle CHOMENTOWSKI, Thomas LEYRIS (dir), Médias et décolonisations en Afrique (1940-1970), Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique, n°1, 2021.
Pierre DAVISTER, Katanga : Enjeu du monde, récits et documents, Editions Europe-Afrique, 1960.
Matthias DE GROOF (dir), Lumumba in the arts, Louvain, Leuven University Press, 2020.
Ludo DE WITTE, « Un lieu de mémoire pour Lumumba ? » dans La revue Toudi, n°42-43 http://www.larevuetoudi.org/fr/story/un-lieu-de-mémoire-pour-lumumba
Ludo DE WITTE, L’assassinat de Lumumba, Paris, Karthala, 2000.
Ludo DE WITTE, L’ascension de Mobutu : comment la Belgique et les USA ont fabriqué un dictateur, Bruxelles, Investig’action, 2017.
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