Quel droit des migrants à des contenus scolaires qui favorisent leur intégration?

Auteurs

  • François Audigier Université de Genève
  • Charles Heimberg Institut de Formation des Maître-sse-s (IFMES) de l’Enseignement secondaire de Genève

Résumé

Si l’intégration des migrants est largement rendue possible par le rôle qu’exerce l’école dans ce domaine auprès des plus jeunes, qu’en est-il au niveau de l’histoire? Ses objectifs et ses finalités, qui sont très proches de ceux de la citoyenneté, interrogent bien sûr la réalité de nos appartenances. Mais l’histoire doit-elle se contenter pour autant de transmettre de telles appartenances? Doit-elle aussi se centrer sur des problématiques identitaires au risque de mobiliser ainsi une forte dimension émotionnelle? Ou vaut-il mieux qu’elle se concentre sur d’autres objets d’études ?

L’exemple des commémorations nous montre en tout cas qu’un même objet historique peut être traité de manière très différente, voire que l’on peut très bien faire n’importe quoi en classe d’histoire, même sans s’en rendre compte. Tient-on compte, par exemple, du fait que le 1er Août, jour de la fête nationale suisse, est une invention discutable de la fin du XIXe siècle? Dans ce domaine, on donne souvent pour aller de soi ce qui est en fait une construction. Le récent 600e anniversaire de l’Escalade genevoise n’a notamment pas fait exception. Il a tenté de plonger les élèves dans une identité étroitement genevoise. Mais qu’en a-t-il été de tous les jeunes migrants qui fréquentent les écoles genevoises ?

Il s’agit dès lors de laisser ouverte la construction des identités par les élèves. En étudiant le présent du passé, c’est-à-dire le vécu le plus probable des acteurs de l’histoire avec ses incertitudes, l’histoire scolaire doit non seulement s’efforcer de n’enfermer personne dans des identités préétablies, mais aussi d’ouvrir à la pluralité et à la mobilité des identités. Elle doit mettre les élèves en situation de construire des outils pour raisonner leur identité, leurs identités, dans leur dimension collective et sociale. Ce qui implique de dûment choisir les contenus, les méthodes et les moyens d’enseignement qui aillent réellement dans ce sens.

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Publiée

2023-02-14

Comment citer

Audigier, F., & Heimberg, C. (2023). Quel droit des migrants à des contenus scolaires qui favorisent leur intégration? . L’éducation En débats : Analyse comparée, 2, 118–130. Consulté à l’adresse https://oap.unige.ch/journals/ed/article/view/452