Editorial - Le journal Education Ouverte et Libre - Open Education : un nouveau venu avec quelles spécificités ?

Barbara Class [0000-0002-5461-2307],

University of Geneva, Switzerland

1     Introduction

Education Ouverte et Libre - Open Education (EOL-OE) est une revue scientifique nouvellement née que nous avons pu lancer grâce à un subisde IntenSciF (20 000 EUR), reçu en 2021 de l'Agence Universitaire de la Francophonie. IntenSciF est conçu pour accélérer des projets émergents à fort potentiel scientifique et sociétal.

Après une période de préparation pour mettre en place d'une part l'infrastructure du journal, avec le soutien de la Bibliothèque de l'Université de Genève, et d'autre part son écosystème épistémique, qui comprend la promotion des valeurs de la Science Ouverte à travers :

-            un processus ouvert d'évaluation par les pairs à des fins de responsabilité et de transparence

-            la traduction d'un résumé de 1000 mots de l'article dans les 6 langues de l'ONU

-            la documentation de la posture de l'auteur ou des auteurs

-            et la possibilité de soumettre un article ou une contribution orale dans n'importe quelle langue,

nous avons le plaisir d'annoncer que le premier numéro d'EOL-OE est terminé. Il prend forme dans les volumes numériques 1 et 2.

2     Le journal

Il existe déjà de nombreuses tribunes où contribuer et discuter des questions liées à l'éducation ouverte et libre[1]. Et s'il y a tant de forums existants, que pourrait apporter un journal supplémentaire, me direz-vous.

EOL-OE a l'ambition d’être cohérent avec ce qu’il promeut, en utilisant les concepts d’ouverture et de liberté pour rénover l'éducation et la recherche en éducation. Il a débuté en tant que journal scientifique ancré dans la compréhension actuelle des pratiques académiques et se donne pour objectifs d'explorer de nouvelles possibilités, notamment en matière d'inclusion et de valorisation des savoirs citoyens et communautaires.

Après cette phase initiale de démarrage, le journal est à la recherche d'un modèle économique alternatif et durable et s’intéresse de près aux communs (Brando et al., 2019 ; Haller et al., 2021). Sur le moyen terme, la gestion d'une ressource, à savoir ce journal, en tant que bien commun, au sein d'une communauté de parties prenantes intéressées qui en prendraient soin et pour qui elle est précieuse, serait l'objectif suivant à atteindre. Quels avantages les parties prenantes pourraient-elles en tirer ? La réponse peut se trouver dans une question d'éthique, de responsabilité et de valeurs mais nécessite certainement d’être recherchée. Si la thématique des communs vous intéresse, vous êtes invité-es à consulter le deuxième appel à communication, https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/announcement/view/30 .

En résumé, nous considérons ce journal comme une opportunité d'exercer notre liberté académique et de contribuer à rendre l'éducation et la recherche en éducation un peu moins « cassées » (pour citer Rajiv Jhangiani, le contraire d’ouvert n’est pas fermé mais cassé) (Jhangiani, 2017). Et nous sommes confiants que le journal trouvera une communauté pour le soutenir et en faire une réussite.

Une autre ambition de ce journal est de se concentrer sur l'éducation et plus particulièrement sur la finalité de l'éducation dans une perspective de changement de paradigme à long terme, visant la durabilité au sens où l’entend Sterling (2021). En fait, l'éducation ouverte et libre se compose de trois concepts fondamentaux : l'ouverture, la liberté et l'éducation. De manière très intéressante, ces concepts sont généralement peu explorés ou considérés comme acquis mais nous devons nous souvenir que l'ouverture est "un moyen et non une fin en soi" (Corti, 2022). Un moyen pour aller où ? Un moyen vers quoi ? Quelles pourraient être les finalités de l'éducation ? Ces questions fondamentales représentent la force motrice de ce journal.

Aujourd’hui, une direction semble particulièrement pertinente pour explorer les finalités de l'éducation. Il s’agit de la prise en compte de la diversité des systèmes de connaissance pour explorer l'éducation dans sa pluralité. En explorant l'éducation de par le monde, en rendant visibles les approches qui ont été silencées, nous œuvrons à une compréhension approfondie de ce que peut être l'éducation. Ces compréhensions et connaissances pourraient à leur tour devenir source d'inspiration et d'imagination pour réfléchir aux finalités de l'éducation.

3     Premier numéro

Le premier appel[2], sur invitation, intitulé "L'éducation ouverte pour la société de la connaissance" invitait des expert-es de différents domaines à imaginer l'avenir de l'éducation ouverte et libre. En lançant cet appel, l'idée initiale était de fournir une orientation aux jeunes chercheurs et chercheuses, mais également de fournir une boussole aux chercheurs et chercheuses plus expérimentées. Cette idée n'est que partiellement réalisée pour plusieurs raisons. La première est une raison de temps. Réaliser une boussole est un objectif pour le journal dans son ensemble et non pour l'un de ses volumes. La seconde est que les chercheurs ne se sentent pas autorisés à faire preuve d'imagination. Dans la diversité des six articles, l'éducation ouverte et libre apparaît néanmoins comme une opportunité à explorer dans et pour des contextes très différents, contribuant ainsi à la réflexion plus large de la finalité de l’éducation.

Les six articles peuvent être regroupés en deux grandes catégories discutant l'éducation, l'ouverture et la liberté, plutôt au niveau épistémique ou plutôt au niveau de la pratique.

Daniel Burgos et Saïda Affouneh présentent le cadre Open Education & Science Crisis (OES-Crisis) pour garantir l'accès, l'utilisation et la réutilisation du matériel éducatif dans les contextes les plus difficiles. Le cadre est organisé en 5 ensembles de compétences : 1) littératie, 2) littératie numérique, 3) sûreté et sécurité, 4) espoir et résilience, et 5) compétences de vie.

Maggi Savin-Baden discute des méthodes de recherche qualitative dans le post-numérique, un courant qui questionne les effets du numérique sur l'humanité et l'environnement. Elle s'interroge sur la manière dont l'interprétation des données est réalisée et qui conduit, entre autres, à une sous-évaluation de l'importance de la représentation.

Mona Laroussi et Mokhtar BenHenda s'intéressent aux REL utilisées pour améliorer le statut intellectuel et professionnel des filles et des femmes dans le contexte francophone. Ils présentent la politique éditoriale qui fonde les REL pour l'égalité femmes-hommes - Ressources Educatives Libres pour l'Egalité Femmes-Hommes - promues par l'Institut de la Francophonie pour l'éducation et la formation.

Sara Ouahib, Rachid Bendaoud, Souhad Shlaka et Khalid Berrada discutent des REL et des pratiques éducatives ouvertes et les présentent comme une solution sûre, notamment en période d'incertitude. À travers une étude de cas de l'université Cadhi Ayad, au Maroc, ils soulignent les avantages et les défis de l'adoption de solutions libres.

Mogobe Ramose propose une réflexion sur l'éducation et son paradigme sous-jacent d’un point de vue endogène de l’Afrique du Sud. En s'appuyant sur l'économicide, l'épistémicide et le religicide perpétrés contre l'Afrique, il montre ce que la philosophie Ubu-ntu pourrait apporter à l'éducation. Ubu fait référence à l'être à venir (ontologie) et ntu au point nodal où l'être prend une forme concrète (épistémologie). Ubu-ntu est inextricablement lié à umu-ntu, qui oriente l'épistémologie vers l'ontologie d'ubu. En résumé, la philosophie ubu-ntu est en lien avec la compréhension de ce qu’être humain signifie et favorise la reconnaissance de l'être et du devenir pour promouvoir le bien tout en respectant la nature.

Maryvonne Charmillot aborde les défis auxquels sont confrontés les chercheurs et les chercheuses lorsqu'elles adoptent des positions minoritaires. Elle propose, avec d'autres auteurs, de considérer la posture épistémologique de la chercheuse comme un espace de réflexion éthique. Cet espace invite les chercheurs à orienter leur conduite en tant que chercheurs contribuant à la production de connaissances dans le domaine de l'éducation.

L'éducation et la science ouvertes dans des contextes de crise par Daniel Burgos, Affouneh Saïda, https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/article/view/750   

La mort de l'interprétation des données et le lancer de moutons à l'ère post-numérique par Maggi Savin-Baden, https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/article/view/754   

Ressources Éducatives Libres et éducation ouverte : l'écosystème RELIEFH pour l'égalité femme-homme par Mona Laroussi et Mokhtar Ben Henda, https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/article/view/1155   

Les REL, une solution certaine pour des temps incertains : Une réflexion sur les initiatives entreprises au Maroc pendant la période covid-19 par Sara Ouahib, Rachid Bendaoud, Souhad Shlaka & Khalid Berrada, https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/article/view/1118   

La signification du partage dans le cadre de l'éducation commercialisée : une perspective Ubu-ntu par Mogobe Ramose, https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/article/view/939   

L'épistémologie comme boussole par Maryvonne Charmillot, https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/article/view/1177   

4     Remerciements

Nous remercions tout particulièrement Paul Stacey pour son soutien constant dès le premier jour ainsi que pour ses commentaires et sa perspicacité, y compris pour cet éditorial.

Un grand merci à Perrine de Coëtlogon pour toute son énergie au service de l’ouvert et du libre au sein de la Francophonie.

Un grand merci aux membres du comité de rédaction, aux auteurs et aux autrices, aux relecteurs et aux relectrices, aux traducteurs et aux traductrices, à l'équipe technique, à la bibliothèque de l'Université de Genève, à l'Agence Universitaire de la Francophonie et à toutes les personnes qui soutiennent cette initiative.

5     Références

Brando, N., Boonen, C., Cogolati, S., Hagen, R., Vanstappen, N., & Wouters, J. (2019). Governing as commons or as global public goods: Two tales of power. International Journal of the Commons, 13(1), 553–577. https://doi.org/10.18352/ijc.907 

Corti, P. (2022). Private communication - Feedback to a draft of the roadmap to Open Education (see https://doi.org/10.5281/zenodo.7002915  ).

Haller, T., Liechti, K., Stuber, M., Viallon, F.-X., & Wunderli, R. (Eds.). (2021). Balancing the Commons in Switzerland: Institutional Transformations and Sustainable Innovations. Routledge. https://doi.org/10.4324/9781003043263 .

Jhangiani, R. S. (2017). Open as Default. The Future of Education and Scholarship. In R. S. Jhangiani & R. Biswas-Diener (Eds.), Open. The Philosophy and Practices that are Revolutionizing Education and Science (pp. 267-280). Ubiquity Press. http://www.jstor.org/stable/j.ctv3t5qh3.26 

Sterling, S. (2021). Concern, Conception, and Consequence: Re-thinking the Paradigm of Higher Education in Dangerous Times. Frontiers in Sustainability, 2. https://doi.org/10.3389/frsus.2021.743806 

 

 



[1] Voir par ex : https://edutechwiki.unige.ch/en/Open_educational_resources#Links

[2] https://oap.unige.ch/journals/eol-oe/announcement/view/24