Ressources Éducatives Libres et éducation ouverte : l’écosystème RELIEFH pour l’égalité femme-homme

Mona Laroussi1 [0009-0005-7944-9437], Mokhtar BenHenda2 [0000-0003-4422-1991]

1 IFEF / OIF

2 ISIC / Université Bordeaux Montaigne

Abstract :

In our modern and globalized society, open educational resources (OER) are taking advantage of the digital revolution and networking to become one of the main propellants to free knowledge access movement that is covering a wide range of domains through multiple services and products. As parts of a worldwide educational ecosystem, OER and open education can provide wide access to information and education resources despite the extreme inequalities reported in digital empowerment and significant technological barriers to digital participation mainly in developing countries. In this article, we argue that while technological barriers must certainly be removed, the potential of OER and open education in the “Quality education” (the fourth of UN Sustainable Development Goals), can only be fully optimized when societal and economic inducements would also be guaranteed to girls and women to elevate their intellectual and professional status. We therefore focus on OER as a catalyst for gender equality and quality education in the Francophone context. Our main objective is to present a French-speaking OER editorial policy led by the Institut de la Francophonie pour l'Ingénierie de la Connaissance et la Formation à distance (IFEF) around its OER portal RELIEFH. Although OER in the French-speaking countries are recent and their tools and products are limited, IFEF is proposing a prominent educational service based on an open and collaborative editorial OER policy.

Keywords: OER, Open education, Gender equality, RELIEFH, Francophonie

1     Introduction

Dans son acception moderne, le « libre accès » est un mouvement qui a commencé dans les années 1990 lorsque l’édition s’est numérisée et l'accès à Internet est rendu public. Ses avant-coureurs étaient les logiciels libres (free software) et les logiciels ouverts (Open source software) qui ont surfé sur la vague du numérique pour faire du libre accès un choix délibéré d’une société de l’information globalisée. Profondément ancré dans une technologie innovante de l’information, le mouvement s’est ramifié dans des initiatives multiples d’ouverture qui couvent une large panoplie de services et produits (Punie, 2014) : codes et logiciels, données et archives, ressources éducatives et éducation, sciences et publication, formats et standards, etc. Ces formes de déclinaison du libre et de l’ouvert participent à leur tour de l’émergence de valeurs sociétales nouvelles inscrites dans les objectifs du développement durable (ODD) des Nations unies comme « l'éducation de qualité », « la paix et la prévention de la violence », « la santé et le bien-être », « l'équité de genre », etc. Des dix-sept axes des ODD ont émergé d’innombrables valeurs sociétales plus fines comme « la protection de l’environnement », « l’égalité des chances », « le vivre ensemble », « l’éducation pour tous », « l’égalité femme-homme », etc. Des moyens et des référentiels adaptés à chacune de ces valeurs ont été conçus et déployés dans le cadre de l’agenda 2030 des Nations-unies « pour mettre fin à la pauvreté, à la faim, au sida et à la discrimination à l’égard des femmes et des filles » (PNUD, 2023).

Nous convenons que les réalisations dans l’un des ODD affectent inéluctablement les résultats dans les autres, mais nous pensons qu’étudier les croisements entre tous les ODD est un travail laborieux qui dépasse les limites de ce papier. Nous optons plutôt pour un croisement de deux ODD spécifiques : d’une part l’ODD 04 (Éducation de qualité) qui constitue un droit fondamental et un puissant vecteur de développement, et d’autre part l’ODD 05 (Égalité entre les sexes) qui fait aussi partie intégrante des droits de l'homme et constitue un critère fondamental de la démocratie et de la transformation sociale. Nous traiterons les deux cadres par le biais de deux éléments particuliers, le premier à travers les REL qui constituent l’un des vecteurs du libre accès à la connaissance dans notre société mondialisée, et le deuxième à travers le principe de l’égalité femme-homme (EFH). Le croisement s’opère lorsque les REL jouent le rôle de facilitateurs d’une éducation de qualité qui promeut la valeur sociale de l’égalité des genres.

Notre objectif dans ce papier est de traiter cette bipolarité en deux temps : dans un premier temps nous revisitons quelques fondamentaux de l’écosystème mondial du libre accès à travers les REL comme l’un de ses artefacts majeurs, puis dans un deuxième temps nous aborderons un cadre de croisement productif entre REL et EFH via une politique éditoriale menée par l’Institut de la Francophonie pour l'Ingénierie de la Connaissance et la formation à distance (IFEF), organe spécialisé de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). La politique éditoriale de l’IFEF se ressource d’abord dans les principes des ODD mais aussi dans le capital historique d’un mouvement d’ouverture dont nous commencerons par explorer les grandes périodes et les majeures tendances.

2     Rappel des fondamentaux du libre accès

On ne peut pas remonter aux origines des REL en dehors de l’écosystème mondial du libre accès comme cadre ayant des impacts sociétaux énormes notamment sur l’éducation et la recherche. Cet écosystème constitue un ensemble d'acteurs, de pratiques et de ressources visant à promouvoir la diffusion libre et gratuite des connaissances et des informations. Il est en constante évolution avec de nouvelles initiatives, politiques et pratiques émergentes visant à élargir l'accès aux connaissances.

2.1     Genèse et délimitation du concept de ressources éducatives libres

L’origine du concept des REL est une idée qui a germé et évolué depuis le début des années 1970 grâce aux bibliothécaires, catalogueurs et bénévoles qui cherchaient à créer des ressources viables, modernes, spécialisées et facilement accessibles. L’expression « Ressources Éducatives Libres » est en réalité une désignation récente donnée à un concept déjà popularisé depuis 1994 par Wayne Hodgins comme « Objet d’apprentissage », terme par lequel il a désigné un groupe de travail qu’il a créé à l’époque pour travailler sur les processus de création et d'agrégation de contenus dans le domaine de l'apprentissage assisté par ordinateur (Hodgins, 2002, 2007). En 1998, David Wiley avait repris le concept pour le populariser sous la désignation « contenu ouvert » (OECD, 2007) dans une démarche de soutien au mouvement de l’éducation ouverte qu’il a entreprise en publiant ses propres ressources pédagogiques sur Internet sous des licences ouvertes pour les rendre librement utilisées, transformées et partagées. La désignation « Ressources Éducatives Libres » a été utilisée pour la première fois dans la déclaration finale du forum 2002 de l'UNESCO tenu à Paris sur l'impact des didacticiels ouverts pour l'enseignement supérieur dans les pays en développement. Dans les termes de cette déclaration, les participant.e.s ont exprimé « leur satisfaction et leur volonté de développer ensemble des ressources éducatives universelles disponibles pour toute l'humanité, qui s'appelleront dorénavant Ressources éducatives libres » (Unesco, 2000, p. 6).

En plus de leur accorder une nouvelle désignation, l’Unesco attribue aux REL une définition convergente qui résume l’ensemble des caractéristiques proposées par d’autres sources comme la fondation William and Flora Hewlett (2002), l’OCDE (2007), la Déclaration sur l'éducation ouverte du Cap (2007) ou la OER Commons (2007). L’Unesco définit les REL comme « des matériels d’apprentissage, d’enseignement, et de recherche sur tout format et support, relevant du domaine public ou bien protégés par le droit d’auteur et publiés sous licence ouverte, qui autorisent leur consultation, leur réutilisation, leur utilisation à d’autres fins, leur adaptation et leur redistribution gratuites par d’autres » (Unesco, 2019b, p. 13). L’Unesco touche ainsi à des aspects essentiels des REL comme les domaines et les objectifs de leur utilisation, les formats et les types de leurs supports, les droits et les licences de leur distribution, tout en insistant sur l’importance de leur ouverture et gratuité.

La définition de l’Unesco a le mérite de créer un consensus international autour des REL après une vague de déferlement de projets et de référentiels, de portails et de plates-formes créés à partir des années 2000 par plusieurs opérateurs académique et industriels pour regrouper les matériaux et permettre leur recherche et diffusion. L’un de plus anciens projets, MERLOT (Multimedia Educational Resource for Learning and Online Teaching), a débuté en 1997 au California State University Center for Distributed Learning pour développer et fournir un accès gratuit à des ressources d'apprentissage en ligne aux acteurs de l'enseignement supérieur dans une large gamme de disciplines académiques. Simultanément, l'Open Access était déjà en expansion depuis une décennie avant que le terme ne soit officiellement inventé en 2002 par la Budapest Open Access Initiative (BOAI). En 2001, la publication de PLOS (Public Library of Science) a été l’issue d’une pétition en ligne lancée par le prix Nobel en médecine Harold Varmus (1989), appelant tous les scientifiques à s'engager pour cesser, à partir de septembre 2001, de soumettre des articles à des revues qui ne donnaient pas un accès libre pour tous au texte intégral de leurs articles, gratuitement et sans entrave.

2.2     Les REL dans l’écosystème du libre accès

La même année de 2001, le MIT a annoncé son initiative OpenCourseWare (MIT OCW) de publier presque tous les cours universitaires pour un accès public gratuit à des fins non commerciales. L’engagement institutionnel du MIT a joué un rôle important dans l'histoire des REL en donnant l’exemple à plusieurs autres universités pour la diffusion des connaissances et la collaboration interuniversitaire mondiale. Le projet Open CourseWare fut un succès médiatique, aussitôt rejoint par de grandes universités qui ont formé l’OpenCourseWare Consortium. Grâce à des financements de la part de Hewlett, Mellon, Moore et d'autres fondations caritatives, le MIT, Carnegie Mellon, Rice et d'autres universités de rang mondial ont créé de vastes collections de ressources de haute qualité dont le contenu pouvait être utilisé et réutilisé gratuitement sous des licences similaires à celles des logiciels libres (open source). C’était justement la période où des discussions entre Richard Stallman, créateur de la licence publique générale GNU pour les logiciels libres et David Wiley, créateur de la licence de contenu ouvert, avaient abouti en 1998 au lancement par ce dernier de l’Open Content Project et de l’Open Content Licence (OCL). En 1999 Wiley propose l'Open Content License (OPL) comme licence de droit d'auteur publique. Dès 2002, l'OPL a été progressivement remplacée par les licences Creative Commons que Lawrence Lessig, Hal Abelson, et Eric Eldred ont développées à travers une association à but non lucratif portant le même nom, qu’ils ont fondée en 2001 avec le soutien du Center for the Public Domain. La version 1.0 des licences Creative Commons a été officiellement publiée le 16 décembre 2002.

L'un des rôles importants des Creative Commons dans l'histoire du libre accès est l'augmentation de la crédibilité et de la confiance dans leurs licences juridiquement supérieures et beaucoup plus faciles à utiliser. Cela s’applique à tous types de productions de l’esprit aussi bien dans le domaine de la recherche que celui de l’éducation. Elles constituent l’un des points communs dans la gestion des ressources éducatives libres et des archives ouvertes, deux domaines à grande perméabilité qui ont évolué selon des modalités analogues en lien avec les licences ouvertes, notamment dans les quatre critères de « l’accessibilité » indépendamment de leur emplacement ou de leurs ressources financières, de « l’abordabilité » en offrant des alternatives gratuites ou à faible coût, de « la réutilisabilité » en permettant d'adapter et de réutiliser les matériaux selon les besoins et enfin de « la durabilité » en garantissant leur disponibilité et leur utilité à long terme.

En effet, archives ouvertes (AO) et ressources éducatives libres (REL) ont suivi des processus et mécanismes d’évolution similaires dans la mouvance mondiale du libre accès. Si les archives ouvertes ont pris leurs marques officielles comme mouvement mondialisé dans la convention de Santa Fé pour l’accès ouvert en 1999 (Schmitt, 2001; Mounier, 2010), suivie en 2002 par l’Initiative de Budapest pour l’accès ouvert (Jacquemin et al., 2019), les REL leur ont emboité le pas en 2007 par la déclaration du Cap sur l’éducation libre, suivie en 2009 par la déclaration de Dakar sur les Ressources Éducatives Libres (Zghidi & Ben Henda, 2020) puis la déclaration de Ljubljana en 2017 (Unesco, 2017). Les deux mouvements font partie d’une plus vaste lignée d’initiatives ouvertes conduites et créées par des communautés qui reconnaissent les avantages de l’ouverture tels que les logiciels libres, les normes ouvertes, le libre accès aux résultats de la recherche, la science ouverte et l’éducation ouverte. Plusieurs de ces mouvements ont peu ou prou influencé le milieu de l'éducation tant sur le plan de la recherche et de l'apprentissage que sur celui de l'enseignement et de la formation en utilisant des ressources éducatives librement accessibles. Les REL constituent désormais un levier annoncé par 34 ministres, sous-ministres et secrétaires d'État d’une centaine de pays, réunis au sommet de Ljubljana en septembre 2017, pour réaliser l’agenda 2030 de l’éducation en appui aux objectifs du développement durable et la création de sociétés inclusives du savoir.

2.3     Les REL au cœur d’une éducation ouverte mondialisée

L'une des questions émergentes dans le discours éducatif aujourd'hui est le niveau de développement et le taux d'utilisation des REL et le potentiel qu’elles ont pour accroitre l'accès et améliorer la qualité de l'enseignement, en particulier dans les pays en développement où il y a une pénurie de matériels de qualité. Les REL sont désormais progressivement intégrées dans les pratiques de l’éducation ouverte, là où elles ne posent plus uniquement des questions d'économies et d'accès facile à du contenu sous licence ouverte, mais engagent aussi les enseignant.e.s dans des formes de participation et de co-construction de ressources éducatives réutilisables. À citer comme exemples le projet Erasmus+ « CoCOS » qui vise la cocréation de cours en s'appuyant sur des méthodes et des outils open source (Stoycheff et al., 2020), ou le système « Co-Cons » du gouvernement de Shanghai pour la construction d’un réseau d'apprentissage ouvert et accessible pour tous les citoyens (Gu et al., 2011, p. 204).

Les origines contemporaines de l’éducation ouverte remontent au développement des universités d'enseignement ouvert dans les années 1970 (Zawacki-Richter et al., 2020), période marquée d’une évolution croissante des besoins des sociétés, des cultures et des économies, et d’une expansion des technologies et des réseaux d’informations numériques. L’éducation ouverte englobe dès lors des ressources, des outils et des pratiques affranchies d'obstacles juridiques, financiers et techniques. Pour l’Open Education Global (OEGlobal), organisme international à but non lucratif et coordonnateur mondial de l’éducation ouverte, « l’éducation ouverte a déjà un impact mondial significatif sur l’enseignement et l’apprentissage grâce aux Ressources Éducatives Libres (REL), aux Cours en Ligne Ouverts et Massifs (Massive Open Online Courses), aux manuels sous licence libre, aux Z-degrees, aux microcrédits ‘’Open Badge’’ et à l’Open Pedagogy » (OEG, 2021, p. 6).

Au sein de l’éducation ouverte, les REL offrent une opportunité stratégique pour améliorer la qualité de l'apprentissage et le partage des connaissances, pour améliorer le dialogue et le renforcement des capacités à l'échelle mondiale. Pour les apprenant.e.s, elles apportent plusieurs avantages :

        Avoir accès à des opportunités d'apprentissage plus larges grâce à des matériaux de haute qualité qui peuvent présenter des informations dans différents formats et via différentes perspectives pouvant aider les apprenant.e.s à s'engager avec le matériel et à enrichir l'apprentissage ;

        Obtenir un accès élargi à l'apprentissage puisque les apprenant.e.s (partout dans le monde) peuvent accéder aux REL à tout moment et aussi souvent qu'ils/elles le souhaitent, sous réserve d’accès à internet, à l’électricité et à un terminal ;

        Développer une sensibilisation accrue aux ODD, en fournissant aux apprenant.e.s des ressources supplémentaires pour les aider à décider de s'engager dans des études plus approfondies ;

S’engager dans un apprentissage actif pour créer, cocréer ou améliorer les REL qui peuvent elles-mêmes bénéficier à la société.

Pour les enseignant.e.s et formateurs/trices, à notre entendement, les REL apportent aussi des prérogatives nouvelles :

        Améliorer le contenu des cours réguliers en utilisant différents types de matériel, y compris le multimédia ;

        Ajouter, supprimer et modifier du contenu en fonction des besoins sans soucis d'utiliser tout ou partie d’une ressource en libre accès ;

        Améliorer les REL en continu grâce à une édition directe sans avoir à attendre une nouvelle édition ou à passer par un long processus de révision ;

        Remixer plusieurs ressources sous licences libres (Creative Commons) sans trop de contraintes liées aux droits d’auteurs, le cas de la licence CC-BY-ND (interdiction de modifier l'œuvre originale et de la partager à des fins commerciales) étant la forme la plus restrictive d'entre toutes.

L'utilisation des REL n'est pourtant pas toujours simple. Enseignant.e.s et apprenant.e.s sont confronté.e.s à divers défis lorsqu'il s'agit d’exploiter des REL :

        Dispersion des sources des REL : il n'y a pas de référentiel unique pour les chercher ;

        Faible compréhension des licences ouvertes : tout le monde ne connaît pas les subtilités des licences ouvertes Creative Commons et leurs limites ;

        Manque de compétences nécessaires pour adapter et réorienter les contenus : le remixage des REL nécessite des savoir-faire technologiques parfois complexes ;

        Une connectivité Internet faible et irrégulière : les pays en développement vivent régulièrement cette situation particulièrement dans les milieux ruraux ;

        Manque d’incitations : les établissements encouragent rarement la création de cours, de sorte que de nombreux éducateurs passent relativement peu de temps à préparer leur matériel en raison d’activités concurrentes.

2.4     Un écosystème mondial de REL : des politiques et des stratégies

Les REL ont été rapidement entrainées dans un mouvement mondial produisant des outils et des référentiels qui impactent de plus en plus les politiques éducatives nationales et régionales. Le Plan d’action de Ljubljana, publié en 2017, en résume la nature : « pour l’intégration des REL, il est primordial de formuler, d’adopter et de mettre en œuvre des politiques favorisant des pratiques efficaces en matière de REL ». Il s’agit autrement de définir une vision stratégique qui permet de déterminer en quoi les REL sont un atout pour que les responsables puissent formuler une approche claire de leur mise en œuvre dans leurs systèmes éducatifs. C’est souvent une question liée à la gouvernance d’un secteur ou d’un organisme. De nombreuses institutions ont opté pour qu’une stratégie d’ouverture fasse partie intégrante de leurs modèles de gouvernance en tenant compte des questions relatives aux REL, à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteurs, aux modèles économiques et aux conditions d’usages et de réutilisation.

L'éducation ouverte est, elle-aussi, soutenue par des gouvernements et des structures financières qui souhaitent maximiser les impacts de leurs investissements dans l'éducation en s'orientant vers des politiques de licences d'éducation ouvertes sous forme de lois, règles et lignes de conduite qui facilitent la création, l'utilisation ou l'amélioration des REL. Les licences d’éducation ouvertes incarnent une façon vertueuse de mutualiser les coûts de la transformation numérique, notamment en contrepartie du financement public de l’éducation (De Coëtlogon, 2020, p. 3). C’est dans l’esprit même des recommandations de l’Unesco qui encouragent l'octroi de licences ouvertes aux matériels pédagogiques produits avec des fonds publics en invitant les États membres à « optimiser les retombées des financements publics et permettre aux éducateurs et aux apprenants de participer à la création de savoirs » (Unesco, 2019b, p. 14). Il s'agit là d'un argument de politique éducative particulièrement fort, car si le contribuable paie pour les ressources éducatives, le public devrait avoir le droit d'y accéder librement, de les utiliser sans frais supplémentaires et de pouvoir les retenir ou conserver, les réutiliser, les réviser, les remixer et les redistribuer (Jhangiani & Biswas-Diener, 2017).

Dans plusieurs pays, des politiques de licences ouvertes strictes rendent ces licences obligatoires. En France, par exemple, pour généraliser l’obligation de publier en accès ouvert, il est souligné dans le deuxième plan national pour la science ouverte de 2021, qu’il faut « engager les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche dans un travail commun sur les ressources éducatives libres pour les rendre plus visibles, mieux les partager et favoriser leur réutilisation » (MESRI, 2021, p. 24). Il est également souligné qu’il faut « s’assurer que des solutions souveraines existent pour permettre aux acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche de conserver la maîtrise des services à la science ouverte pour les publications, les données, les codes sources, les vidéos, les ressources éducatives libres, etc. » (MESRI, 2021, p. 25).

En définitive, les REL ont assurément un potentiel important dans les politiques nationales de l’éducation et les plans stratégiques des établissements de l’enseignement pour améliorer la qualité de l'expérience éducative, augmenter l'offre d'opportunités d'apprentissage pour tous et améliorer les pratiques pédagogiques. Mais l'efficacité d'une politique est assez difficile à mesurer. On peut toutefois affirmer qu'une politique n'est efficace que si elle déclenche ou favorise des activités supplémentaires telles que la mise en œuvre de projets, qui conduisent finalement à la fourniture de matériel d'apprentissage ouvert et d'infrastructures ou à la mise en place de pratiques éducatives ouvertes. Plus on s’approche de ces objectifs concrets, plus une politique de REL a des chances de réussir. C’est justement le cas du projet des Ressources Éducatives Libres pour l’Egalite Femmes-Hommes (RELIEFH) de l’IFEF que nous aborderons ultérieurement dans ce document.

2.5     La promotion des valeurs sociales par les REL, l’éducation et la science ouverte

Mais l’éducation ouverte et les REL n’ont pas qu’un impact économique et technologique lié à leur modèle de gouvernance (modes de conception et moyens de diffusion). Elles contribuent aussi à renforcer des valeurs sociales comme l’équité et l’égalité tout en favorisant la participation et la cocréation de connaissances y compris par les groupes marginalisés et traditionnellement sous-représentés. Par leurs caractéristiques de liberté et d’ouverture, les REL sont disponibles gratuitement avec le moins de restrictions possibles sur leur utilisation, qu'il s'agisse d'obstacles techniques, juridiques ou financiers. Les informations qu’elles véhiculent diffusent auprès d’un plus grand nombre de personnes des connaissances scientifiques, des valeurs culturelles, des règles d’éthiques et tout ce qui a tendance à renforcer les principes des droits humains à la non-discrimination, à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la liberté et à la sécurité. Dans le même ordre d’idées, la recommandation de l’Unesco pour définir des valeurs et des principes communs pour la science ouverte consiste à identifier des mesures concrètes sur le libre accès et les données ouvertes, avec des propositions pour rapprocher les citoyens de la science et des engagements pour faciliter la production et la diffusion des connaissances scientifiques dans le monde (Unesco, 2021).

Les REL font d’ailleurs progresser de nombreux objectifs de développement durable principalement pour une éducation de qualité (ODD 4), pour l'égalité des sexes (ODD 5), pour réduire les inégalités de tous genres (ODD 10), pour une société pacifique et l’accès de tous à la justice (ODD 16), etc. Du point de vue de l’Unesco, les REL contribuent à la justice sociale en éliminant les obstacles d’accès pour les populations marginalisées. Elles contribuent aussi à diffuser la sensibilisation et la mobilisation sur les questions stratégiques du réchauffement climatique et du développement durable et ouvrent la porte grande ouverte aux populations en développement pour participer activement aux enjeux d’avenir par « l’éducation pour tous » et « la formation tout au long de la vie ». En somme, tous les organismes engagés autour des ODD conviennent que l'accès universel à l'information grâce à une éducation de qualité contribue à la paix, au développement social et économique durable et au dialogue interculturel.

Il existe aussi parmi la majorité des milieux éducatifs du monde un consensus sur le fait qu'une éducation de qualité, inclusive et équitable est le seul outil susceptible d'apporter le changement souhaité. L'éducation a une relation très étroite avec la dimension sociale du développement durable et permet de conduire à une réduction de la pauvreté, à l'investissement social et à la construction de communautés sûres et bienveillantes. Si le soutien à l'éducation est une forme primordiale d'investissement social, c'est aussi le principal moyen de maintenir la paix dans le monde, de soutenir l’employabilité et l’insertion professionnelle et d'améliorer le statut et l'éducation des femmes comme principal moyen de réduire la précarité et de protéger l'environnement. Ce sont des préoccupations communes à toutes les sociétés et toutes les aires culturelles et linguistiques y compris dans le monde francophone.

3     Des politiques de libre accès : un exemple francophone

La Francophone, par ses différents organes et partenaires associés, s’est rapidement saisie des enjeux des REL pour engager des processus et projets d’appui à l’éducation et la formation francophones. L’IFEF est un précurseur en la matière. Engagé contre la fracture numérique dans les pays francophones du Sud, il offre une panoplie de produits et de services parmi lesquels le portail RELIFH constitue l’épicentre d’une politique éditoriale et de formation fondée sur la production et la diffusion des REL contextualisées pour la formation des formateurs sur l’égalité femme-homme.

3.1     Pour des REL francophones : défis, limites et projets en cours

Le mouvement des REL en Francophonie a fait des progrès significatifs ces dernières années, même s’il existe encore un besoin de sensibilisation et de compréhension des avantages et opportunités offertes par leur développement et utilisation. À défaut d’une institutionnalisation organisée, « dans les pays francophones du Sud, les REL dépendent des initiatives personnelles et de la décision politique et associations qui essaient d'influencer les comportements et les pratiques, de sensibiliser à l'éducation ouverte et aux DPI [droits de la propriété intellectuelle] » (Laroussi, 2022). Les REL en Francophonie du Sud peinent en effet à prendre une place prépondérante dans le paysage éducatif et les politiques des établissements scolaires. Parmi les limites et les défis auxquels elles font encore face, il s’agit principalement des réalités suivantes :

        Les projets de REL dans les pays francophones du Sud nécessitent des investissements pour la production et la diffusion des ressources, mais les financements sont souvent limités, voire inexistants ;

        Les ressources éducatives libres en langue française et dans les langues nationales sont moins nombreuses que celles en anglais, ce qui limite leur adoption et leur utilisation ;

        La qualité des ressources éducatives libres en français est souvent remise en question, ce qui limite leur adoption et leur utilisation ;

        Les enseignant.e.s ne sont pas formé.e.s pour comprendre comment utiliser les REL dans leur enseignement. Ils/elles ont une utilisation unidirectionnelle et se servent des REL mais ne participent pas à leur transformation ni à leur pérennisation ;

        Dans certains pays francophones, les infrastructures, telles que l'accès à l'internet haut débit et les équipements informatiques, sont limitées voire inexistantes ;

        Les lois sur les droits d'auteur peuvent limiter la production et la diffusion de REL, en particulier dans des pays comme les États-Unis et en Europe où ces lois sont strictement appliquées. Cédric Manara, enseignant de droit à l'EDHEC Business School (France), en donne des exemples concrets dans un article portant sur le droit d'auteur contre l'accès à l'information mondiale via les moteurs de recherche (Manara, 2011).

Pourtant, bien que le mouvement francophone autour des REL soit récent et ses outils et produits soient limités (comparés au outils et produits du monde anglo-saxon), la Francophonie ne cesse de jouer un rôle promoteur pour mobiliser des acteurs et partenaires producteurs de REL, notamment par et pour les pays du Sud. Des projets francophones commencent à émerger comme le projet de l’université Van Lang, à Hô Chi Minh-Ville, financé par l’Agence universitaire de la Francophonie et soutenu par le Ministère de l’Éducation et de la Formation au Vietnam. Ce projet dévoilé en 2022 est intitulé « Élaboration d’un cadre juridique et d’un fondement pour des ressources éducatives libres au service de l’enseignement universitaire au Vietnam ». Il a pour objectif de « construire un système interuniversitaire permettant aux chercheurs, enseignants, étudiants et au public de partager et d’utiliser légalement les mêmes ressources sans limite de temps et d’espace » (Van Lang, 2022).

Entre l’OIF et l’AUF, une synergie de partenariat existe également pour tenter de recréer un équilibre Nord-Sud grâce à des politiques et des stratégies visant à diffuser auprès des structures partenaires, la culture de l’ouverture en langue française. Deux projets phares de REL francophones entérinent ce partenariat : la bibliothèque numérique de l’espace universitaire francophone (BNEUF) et RELIEFH, le portail développé et entretenu par l’IFEF qui fournit des REL francophones spécifiques sur le thème de l’égalité femme-homme (EFH). Ce produit fera l’objet de la suite de notre analyse.

3.2     La politique des REL de l’IFEF pour l’égalité femme-homme

Comme organe subsidiaire de l’OIF, l’IFEF est né de la volonté des chefs d’États et de gouvernements de doter la Francophonie d’une structure capable de fédérer ses efforts dans les domaines de l’éducation et de la formation. L’un de ses objectifs clés est d’assurer une éducation inclusive équitable et de qualité et promouvoir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. L’un des sujets phares de son programme d’activité est de mettre à disposition de la communauté éducative francophone les supports didactiques et les mécanismes qui favoriseront l'instauration d'une culture transversale de l'égalité entre les filles et les garçons autant dans l’acception et la conviction des enseignant.e.s que dans les habitudes comportementales des apprenant.e.s. L’IFEF s’engage sur ce choix à partir de constats tangibles qui justifient l’introduction de l’innovation et du changement technologique dans l’éducation à l'ère numérique pour parvenir à l'égalité des sexes et à l'autonomisation de toutes les femmes et filles. Ces constats soulèvent des inégalités alarmantes sur l’état de scolarisation des filles entre les moyennes mondiales et celles en Afrique francophone. Alors que le nombre de filles inscrites à l'école primaire et secondaire dans le monde a connu un bond générationnel au cours des 25 dernières années, d’après l’Institut des Statistiques de l’Unesco (Unesco, 2016), l’accès à l’éducation et le maintien à l’école demeure un défi pour les filles dans plusieurs pays francophones :

        132 millions de filles âgées de 6 à 17 ans n'étaient pas scolarisées en 2016 ;

        15 millions de filles en âge d'aller à l'école primaire n'auront jamais la possibilité d'apprendre à lire, écrire et compter, contre environ 10 millions de garçons ;

        33 % des filles ne terminent pas leurs études primaires en Afrique subsaharienne, contre 29 % pour les garçons.

D’après l’UNESCO, les filles ne sont que 35 % à travers le monde à étudier dans les disciplines STEM au niveau de l'enseignement supérieur et des écarts sont observés au sein de chaque discipline. Par exemple, seulement 3 % des étudiantes de l'enseignement supérieur choisissent de faire des études dans les technologies de l’information et de la communication (Unesco, 2019a).

Pour relever le défi de surmonter ces obstacles qui ralentissent l’accès des filles à l’éducation et lutter contre les stéréotypes qui freinent leur épanouissement social et professionnel, l’IFEF a mis en place une stratégie d’action à plusieurs dimensions qui traduit son mode opératoire fondé sur la co-construction, le co-financement, l’expérimentation, le développement, la recherche et l’évaluation.

Cette stratégie est définie autour de la création d’un portail de ressources éducatives libres pour la promotion du principe de l’égalité entre filles et garçons à l’école. Le portail RELIEFH est ainsi né à l’issue des recommandations de la conférence de N’Djamena tenue en juin 2019 sur l’éducation des filles et la formation des femmes.

Rendu opérationnel le 26 janvier 2021 à Dakar, le portail RELIEFH favorise la recherche, l’échange et le partage des ressources et des bonnes pratiques entre les pays de la Francophonie pour la promotion de l’EFH dans le domaine de l’éducation. Il constitue à cet égard une expérience unique tant qu’il n’existe pas encore dans le monde de portails de REL au sens strict du terme, entièrement dédiés à l’EFH. La plus-value principale d’un portail pareil serait de constituer un point focal francophone de dissémination de ce type de ressources spécialisées. Ce portail thématique offre de la sorte une double alternative, d’une part pour les enseignant.e.s afin qu’ils/elles réutilisent librement dans leurs cours des ressources scénarisées et didactisées, et d’autre part pour les apprenant.e.s soucieux/ses de se former de manière flexible en suivant des parcours individualisés dans des rythmes mieux adaptés à leurs propres contextes. Outre ces avantages pédagogiques, le portail RELIEFH est un modèle d’hébergement thématique qui supplante les contraintes d’un portail encyclopédique et multidisciplinaire dans lequel la recherche d’information est souvent objet de redondance et d’imprécision. Plusieurs organismes s’orientent déjà vers ce type de solution très connue dans le monde de l’entreprise sous le nom de « marque blanche » qui consiste à proposer à un partenaire de développer un service ou un produit unique qui sera ensuite intégré au catalogue général de l’entreprise. Un tel procédé engendre une meilleure qualité de produits et un meilleur niveau de spécialisation.

Toutefois, pour atteindre les objectifs escomptés de son portail, l’IFEF l’a positionné au centre d’un écosystème qui prévoit : 

        La sensibilisation et le plaidoyer en faveur de l’éducation des filles et des garçons, auprès des publics ciblés, pour la promotion de l’égalité femmes hommes et l’amélioration de la qualité de l'éducation ;

        La mise à disposition des ressources libres dans le domaine de l’égalité des femmes et hommes ;

        Le renforcement des capacités des formateur(trice)s et encadreur(e)s pédagogiques par une formation entièrement en ligne ;

        La création d’une communauté de pratique et espace numérique de partage pour la promotion et l’amplification des actions dans la lutte contre les inégalités liées à l’éducation des filles ;

        La conception et contextualisation d’outils pédagogiques et guides adaptés à l’égalité des femmes et hommes.

Ces mesures ont donné lieu à un plan d’action pour gérer la gouvernance de l’écosystème RELIEFH sur l’EFH.

3.3     Un écosystème de REL autour du portail RELIEFH

Le plan d’action de l’IFEF pour gérer en entretenir l’écosystème des REL sur l’EFH se déroule autour de trois axes (Laroussi, 2023) :

Axe 01 : formation pour de nouvelles compétences et meilleure compréhension des concepts EFH

Adressée à un public cible composé d’enseignant.e.s et de personnel encadrant, la formation est dispensée entièrement en ligne sur la plate-forme de l’IFEF. Elle est constituée de quatre modules de formation à raison de six heures hebdomadaires environ par module, soit 24 heures sur quatre semaines accompagnées d’une à deux heure(s) par séance de tutorat.

Les objectifs de la formation sont essentiellement :

        Accompagner les participant.e.s dans le renforcement de leurs capacités sur des thématiques en lien avec l’égalité entre les filles et les garçons dans l’éducation ;

        Promouvoir les pratiques éducatives, dès le plus bas âge et tout au long de la vie, dénuées de stéréotypes sexistes et inculquant le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes ;

        Examiner et réviser régulièrement les programmes scolaires, les manuels et les méthodes d’enseignement afin d’en éliminer les stéréotypes sexistes et de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.

        La formation est certifiante et débouche sur une compétition (fil rouge) pour une mise en concurrence des compétences acquises pendant la formation. Des prix incitatifs sont attribués aux trois premiers gagnants.

Figure 01 : la formation EFH en chiffres

Axe 02 : conception, production et hébergement de ressources contextualisées sur l’égalité femmes hommes

La méthodologie de conception des ressources pédagogiques et leur validation se déroule en cinq étapes :

       Recrutement et formation gratuite des concepteurs/trices sur la trame d’une fiche pédagogique, en focalisant les techniques de didactisation, les standards de métadonnées pédagogiques et l’utilisation des licences Creative Commons ;

       Tutorat de la conception des fiches pédagogiques par un accompagnement en ligne organisé en équipes dix personnes tutorées par un.e expert.e en conception de ressources pédagogiques ;

       Production par les équipes de ressources/fiches pédagogiques sous licence Créative Communs, didactisation de ces ressources et leur correction en équipe ;

       Compilation et correction des ressources par l’équipe de coordination puis leur mise en page par l’équipe de graphistes de l’IFEF ;

       Validation de la mise en forme puis mise en ligne des ressources sur le portail RELIEFH.

Figure 02 : Processus de production de REL EFH

 

Des tutoriels et supports de formation dédiés à ces opérations de formation/production sont accessibles librement aux inscrits sur la plate-forme pédagogique (EDUNAO) de l’IFEF.

Axe 03 : Caravane RELIEFH

Nouvelle démarche d’appui à l’éducation des filles et la vulgarisation des ressources sur l’EFH, l’IFEF a organisé en Novembre 2022 la première édition de la Caravane RELIEFH sous le slogan « Je roule pour plus de filles à l’école ». L’idée de la Caravane est la sensibilisation à l’importance de l’entrée et du maintien des filles à l’école.

Dans son premier parcours, la Caravane a parcouru plus de 680 km pour visiter cinq villes du Sénégal (Diamnadio, Fatick, Tambacounda, Kolda et Ziguinchor). Chaque étape a été l'occasion de rencontrer les élèves - filles et garçons - et le corps enseignant d'une école pour les sensibiliser à l’importance de la scolarisation des filles. Des médias locaux sont mobilisés pour médiatiser l’évènement en vue de sensibiliser et promouvoir davantage les résultats obtenus et préparer les perspectives de l’initiative.

 

Figure 03 : Les résultats de la caravane RELIEFH

4     Conclusion 

Les REL et l'éducation ouverte peuvent donner à quiconque une voix, un accès à l'information et à l'éducation, et la possibilité de se connecter avec des pairs et de former d'autres personnes. Cependant, les études mettent également en évidence des inégalités extrêmes en matière d'autonomisation numérique et d'importants obstacles technologiques à la participation numérique. Nous soutenons l’idée que si ces barrières technologiques doivent certainement être supprimées, le potentiel d'ouverture ne peut être pleinement réalisé que lorsque les barrières sociétales et économiques sont également minimisées. L’égalité femme-homme en est un. Car nul doute que l'éducation améliore le potentiel humain et donne par conséquent aux femmes un droit humain fondamental à l'autodétermination qui élève son statut social et professionnel.

En ce qui concerne les obstacles à l'adoption des REL, le défi technologique semble particulièrement important dans les pays à revenus faibles. « Dans ces pays, les femmes sont 300 millions de moins que leurs homologues masculins à utiliser l'internet mobile, soit un écart de 20 % entre les sexes » (GSMA, 2020). L’Union Internationale des télécommunications le confirme dans un rapport présenté à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2023 dans lequel il est rapporté que parmi les 37% de la population mondiale privée d’Internet, « 96% vivent dans des pays en développement. Et à travers le monde, les femmes sont 259 millions de moins que leurs homologues masculins à utiliser internet » (Action Éducation, 2023). Il s’agit particulièrement des coûts élevés et des faibles débits d’accès à Internet en plus des écarts de formation sur les usages du numérique. La difficulté de savoir où et comment trouver des ressources éducatives adaptées à leurs propres contextes, constitue à cet égard un obstacle majeur pour les femmes qui vivent dans les pays en développement.

Conscient de ces enjeux d’équité et de justice sociale pour l’accès à la connaissance, la stratégie d’action de l’IFEF par l’écosystème RELIEFH avait des visées prometteuses dont beaucoup sont en cours de réalisation. Il s’agit notamment de :

       La compensation du manque de supports pédagogiques contextualisées pour permettre aux enseignants et enseignantes d’intégrer le concept d’égalité femme-homme dans leurs séquences de cours ;

       La mise en place d’un dispositif d’acquisition de compétences par les enseignant.e.s pour leur permettre de passer de personnes formé(e)s sur l’EFH à concepteurs/trices de ressources pédagogiques pour l’EFH ;

       La création d’un espace de co-construction et d’échanges pour une meilleure compréhension des enjeux et la proposition de solutions liées à la promotion de l’EFH à travers la didactisation de supports pédagogiques ;

       La mise à jour du portail RELIEFH avec des ressources pédagogiques adaptées pour obtenir une diversité de ressources produites par et pour les enseignant.e.s et autres encadreurs pédagogiques ;

L’offre de solution d’accès asynchrone à la formation et aux ressources en utilisant des mini-serveurs autonomes sous RaspBerry (un nano-ordinateur monocarte) ou Edphone (mini serveur éducatif tournant sur smartphone) qui sont « capables de reproduire périodiquement des contenus hébergés sur un portail institutionnel et les diffuser sur des serveurs miroirs mobiles déployés dans des zones peu ou pas connectées » (Ben Henda, 2018).

5     Bibliographie

Action Éducation. (2023, février 23). Journée internationale des droits des femmes : Innovation et technologies pour l’égalité des genres. https://action-education.org/journee-internationale-des-droits-des-femmes/

Ben Henda, M. (2018). Une Box nano-serveur autonome Raspberry Pi3 [Report]. AUF (Agence Universitaire de la Francophonie) ; IFIC. https://hal.science/hal-02532371

De Coëtlogon, P. (2020). Éducation ouverte et licences libres : Partager et protéger. Revue Adjectif, 1. http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article527

GSMA. (2020). Connected Women : Rapport 2020 sur les inégalités entre hommes et femmes dans la téléphonie mobile.

Gu, X., Zha, C., Li, S., & Laffey, J. (2011). Design, sharing and co-construction of learning resources: A case of lifelong learning communities in Shanghai. Australasian Journal of Educational Technology, 27, 204‑220. https://doi.org/10.14742/ajet.966

Hodgins, W. (2002). The Future of Learning Objects. e-Technologies in Engineering Education: Learning Outcomes Providing Future Possibilities. https://dc.engconfintl.org/etechnologies/11

Hodgins, W. (2007). Distance Education But Beyond: “MeLearning”—What If the Impossible Isn’t? Journal of veterinary medical education, 34, 325‑329. https://doi.org/10.3138/jvme.34.3.325

Jacquemin, B., Schöpfel, J., & Fabre, R. (2019). Libre accès et données de recherche. De l’utopie à l’idéal réaliste. Études de communication, 52(1), 11‑26. https://doi.org/10.4000/edc.8468

Jhangiani, R. S., & Biswas-Diener, R. (2017). Open: The Philosophy and Practices that are Revolutionizing Education and Science. Ubiquity Press.

Laroussi, M. (2023). Innovation changement technologique, et éducation à l’ère numérique pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et filles. Panel haut niveau de l’OIF, Commission de la condition de la femme, 20.

Manara, C. (2011). Le droit d’auteur contre l’accès à l’information mondiale ? Le cas des moteurs de recherche. Revue internationale de droit économique, t.XXV(2), 143‑164. https://doi.org/10.3917/ride.252.0143

MESRI. (2021). Deuxième Plan national pour la science ouverte : Gnéraliser la science ouverte en France 2021-2024 (p. 32).

Mounier, P. (2010). Le libre accès : Entre idéal et nécessité. Hermès, La Revue, 57(2), 23‑30. https://doi.org/10.4267/2042/38634

OECD. (2007). Giving Knowledge for Free: The Emergence of Open Educational Resources (p. 149). OCDE. https://www.oecd.org/education/ceri/givingknowledgeforfreetheemergenceofopeneducationalresources.htm

OEG. (2021). Plan Stratégique d’Open Education Global 2021-2030 : Ouvert pour le bien commun (p. 16).

PNUD. (2023). Objectifs de développement | Programme De Développement Des Nations Unies. UNDP. https://www.undp.org/fr/sustainable-development-goals

Punie, Y. (2014). Future of Learning and Open Education 2030: Towards new modes of learning, teaching and certifying. VLEVA Seminar, Brussels.

Schmitt, J.-P. (2001). L’Open Archives Initiative et la validation des publications scientifiques. Un séminaire sur l’OAI à Genève. Documentaliste-Sciences de l’Information, 38(2), 124‑126. https://doi.org/10.3917/docsi.382.0124

Stoycheff, A., Pérez Ovejero, D., Vanacker, D., Holvoet, L., De Vogelaere, L., & Sanz Prieto, M. (2020). IO6 : Community-based co-creation website and MOOC. Artevelde Hogeschool. https://www.arteveldehogeschool.be/cocos/server/viewer/previewVersion.php?uuid=fc6de244-8fc4-442a-aa8a-c1317cb1c7c7

Unesco. (2000). Forum sur l’impact des didacticiels libres pour l’enseignement supérieur dans les pays en développement, UNESCO, Paris, 1-3 juillet 2002 : Rapport final (p. 28). Unesco. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000128515_fre

Unesco. (2016). Ne laisser personne pour compte : Sommes-nous loin de l’enseignement primaire et secondaire universel ? - UNESCO Bibliothèque Numérique (ED/GEMR/MRT/2016/PP/27 REV. 4; p. 18). https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000245238_fre

Unesco. (2019a). Enseignement des STEM pour l’égalité des genres Autonomiser les filles et les femmes pour les emploisd’aujourd’hui et de demain (ED/ESC/IGE/2019/01; p. 4). Unesco. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000366803_fre

Unesco. (2019b). Recommandation sur les Ressources éducatives libres (REL). http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=49556&

Unesco. (2021). Recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte (SC-PCB-SPP/2021/OS/UROS, 10.54677/LTRF8541; p. 34). https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000379949_fre

Unesco. (2017). Le 2e Congrès mondial des Ressources éducatives libres (REL), Ljubljana, Slovénie, du 18 au 20 septembre 2017 [Les REL pour une éducation de qualité inclusive et équitable : de l’engagement à l’action]. https://www.oercongress.org/fr/

Zawacki-Richter, O., Conrad, D., Bozkurt, A., Aydin, C. H., Bedenlier, S., Jung, I., Stöter, J., Veletsianos, G., Blaschke, L. M., Bond, M., Broens, A., Bruhn, E., Dolch, C., Kalz, M., Kerres, M., Kondakci, Y., Marin, V., Mayrberger, K., Müskens, W., … Xiao, J. (2020). Elements of Open Education: An Invitation to Future Research. The International Review of Research in Open and Distributed Learning, 21(3), 319‑334. https://doi.org/10.19173/irrodl.v21i3.4659

Zghidi, S., & Ben Henda, M. (2020). Les ressources éducatives libres et les archives ouvertes dans le mouvement du libre accès. Distances et médiations des savoirs. Distance and Mediation of Knowledge, 31, Article 31. https://doi.org/10.4000/dms.5347